Les rares images qui nous ont été données à voir, en 1994, sont soit celles d’Interahamwe (miliciens extrémistes, partisans du Hutu Power à la solde du régime génocidaire, armés de machettes et de gourdins cloutés) « coupant » des hommes, femmes, enfants et vieillards, déjà à terre et sans défense, soit celles de milliers de cadavres, ensanglantés et empilés les uns sur les autres, lesquels jonchaient les rues ou flottaient à la surface des rivières.
De plus, et tel un Phénix, il a, très vite, su renaître des cendres du génocide et a, désormais, pour ambition de se transformer (grâce au programme de développement Vision 2020) en un Singapour africain.
Enfin l’accueil téléphonique chaleureux reçu à l’ambassade du Rwanda à Paris, laquelle contrairement à d’autres ambassades africaines de Paris ouvre vraiment aux horaires précisées sur son site, où il m’a été indiqué avec beaucoup de gentillesse la procédure à suivre pour obtenir mon visa d’entrée à l’aéroport de Kigali, m’a confirmée, si besoin encore était, de la justesse de cette destination.
Mes 5 villes coup de cœur: Kigali, Butare, Nyanza, Kibuye et Gisenyi
Par ailleurs, et en dépit des nombreux bombardements qu’elle a subis et les combats acharnés qui s’y sont déroulés, rien ne permet, aujourd’hui, à l'exception du bâtiment du CND, siège du Parlement Rwandais, d’imaginer le champ de ruines qu’à été Kigali au sortir du génocide.
En effet, elle est désormais une ville moderne, en plein chantier, avec ses constructions multiples de grands complexes, de nouveaux hôtels de luxe, superbes restaurants, bars et lounges et ses larges avenues ombragées. Pour autant, elle n’en oublie pas son identité africaine.
Située à l’ouest du pays, Kibuye, théâtre d’importants massacres pendant le génocide, est désormais une ville paisible où l’on se rend pour se détendre au bord du lac ou pour y faire des excursions, généralement sur l’Ile Napoléon, habitée par des chauves-souris, ou celle d’Idjwi au Congo voisin.
Après avoir découvert ces 5 villes, il me tenait à cœur, par devoir de mémoire, de voir les lieux du génocide.
Les Lieux de Mémoire incontournables : Gisozi et autres lieux à Kigali, Murambi, Bisesero, Nyamata & Ntarama
- l’instauration, par les Belges, à partir de 1931, de la mention de l’appartenance ethnique sur les cartes d’identité. Cette appartenance étant déterminée au vu de critères physiques infondés et alors même que les twas, les hutus et les tutsis (habitants du Rwanda) vivaient jusque-là en bonne intelligence en partageant la même langue, le Kinyarwanda, et les mêmes coutumes. Malheureusement, cette mention sera, lors du génocide, d’une redoutable efficacité aux barrages en signant l’arrêt de mort de tous les porteurs d’une carte d’identité indiquant la mention « tutsi ».
- les différents massacres dont ont été victimes, de façon récurrente, les tutsis en 1959, 1963, 1973, 1990 et 1992. Autant de tueries, préludes au génocide de 1994, dont l’élément déclencheur fut le crash du Falcon présidentiel.
- la préparation, dès 1990, des mentalités au génocide. A ce titre, les médias ont joué un rôle important en déshumanisant progressivement les tutsis, notamment via les émissions incendiaires de la RTLM et les publications du journal extrémiste Kangura . Par ailleurs, était publié un code de conduite, « Les 10 commandements des bahutus », devant montrer aux « bons hutus », si besoin encore était, le bonne conduite à tenir, laquelle impliquait évidemment l’absence de relations, de quelques nature qu’elle soit, avec les tutsis !
- la formation et la préparation des milices Interahamwe auxquelles étaient livrées de nombreuses armes, notamment des machettes, et ce, en dépit de l’embargo sur les armes imposé alors au Rwanda.
- l’influence grandissante des membres de l’Akazu, aile dure du régime dont faisait à priori partie Madame Agathe Habyarimana, lesquels étaient vivement opposés à l’application des accords d’Arusha de 1993. Ces derniers prévoyaient un partage du pouvoir avec le FPR.
- l’impuissance de la Minuar, personnifiée par le Général Dallaire
- le rôle ambigu joué par les forces françaises, en amont du génocide, dans la formation des FAR, forces armées rwandaises, puis, durant le génocide, au cours de l’Opération turquoise.
Par ailleurs, plusieurs témoignages, écrits, audios et visuels, de rescapés et de Justes, ceux qui, au péril de leur vie, ont caché des tutsis ; une salle où sont entreposés des ossements des victimes, et d’autres où sont accrochées leurs photos, nous permettent de prendre la particulière mesure de cette horreur.
En dehors de ce mémorial, d’autres lieux, à Kigali, sont étroitement associés à l’histoire du génocide tels que :
- Hôtel des Mille Collines, lieu d’action du film éponyme, où plusieurs tutsis trouvèrent refuge dans les premiers jours du génocide
- le Stade Amahoro où des milliers de tutsis se sont réfugiés pendant les massacres. C’est d’ailleurs dans ce stade que se sont tenues les commémorations du 20ème anniversaire du génocide en avril dernier (2014).
- la Résidence du Président Habyarimana, aujourd’hui transformée en musée, située près du camp militaire de Kanombe, près de l’aéroport, où le Falcon du président s’est écrasé le 6 avril 1994 peu après 20heures alors que sa famille s’y trouvait. On peut apercevoir, en accédant à un promontoire, l’épave de l’avion qui est tombé dans le jardin de la résidence. Il est toutefois interdit de la photographier. Si les massacres ont officiellement débuté à Kigali le 7 avril 1994, les tutsis vivant aux abords de la résidence présidentielle ont, quant à eux, été assassinés, par des éléments de la Garde Présidentielle, dès le soir du 6 avril soit quelques heures à peine après le crash.
- l’Antenne, encore visible aujourd’hui, de la RTLM. Cette radio qui, déjà plusieurs mois avant ledit crash, multipliait les appels à la haine à l’endroit de ses auditeurs et qui n’a pas hésité, après avoir annoncé la mort du président Habyarimana le 6 avril, à exhorter les hutus à aller« travailler » c’est à dire à exterminer « les cancrelats ». Durant les 3 mois du génocide, elle ira même jusqu’à révéler sur les ondes le nom et l’adresse de tutsis encore vivants à retrouver ou à encourager miliciens et population à se rendre dans des lieux où la résistance tutsie s’était organisée, notamment à Bisesero, afin de « finir le travail » !
A une 50 de kilomètres de Kigali se trouvent les églises de Ntarama et Nyamata, sites essentiels, à mon sens, à visiter dans la mesure où, pour la première fois depuis des décennies, les tueurs n’ont pas hésité à massacrer une population tutsie qui s’était réfugiée en masse dans les lieux de culte, persuadée, à tort, que les tueurs n’oseraient pas y commettre leurs méfaits.
Dans une salle de catéchisme, annexe du bâtiment principal, construite en briques, un mur anormalement teinté d’une grande tâche rouge, attire l’attention du visiteur. Notre guide, l’un des rescapés de Ntarama, nous explique qu’il s’agit du sang séché des enfants tutsis qui étaient projetés sur ses parois par les tueurs jusqu’à ce que mort s’en suive.
Dans cette même salle, on peut également apercevoir un long bâton avec lequel les tueurs empalaient, après leur avoir fait subir les pires sévices, les femmes tutsies. En effet, ces dernières, objet de nombre de fantasmes de la part des tueurs, ont payé un lourd tribut lors des massacres.
C’est pourquoi , en 1994, des dizaines de milliers de tutsis, jeunes ou vieux, y ont afflué puis y ont organisé, pendant plusieurs semaines, une vaine résistance à main nues contre des tueurs armés, eux, jusqu’aux dents.
Au contraire, dans un pays résolument tourné vers l’avenir et dont la réconciliation est désormais le leitmotiv, l'Etat encourageant les citoyens à se sentir avant tout Rwandais afin d'éviter que des dérives ethniques, semblables à celles de 1994, ne se reproduisent, les rescapés tentent de reconstruire une nouvelle vie après avoir tout perdu une première fois.
C’est une véritable leçon d’espoir et de tolérance même si au quotidien, vivre, surtout dans les collines, aux côtés de tueurs libérés après avoir purgé une partie de leur peine, est loin d’être une sinécure.
Les Parcs et Lacs : Forêt de Nyungwe, Parc National des Volcans, Lac Muhazi et le Parc National de l'Akagera
De plus, du fait de la prédominance de l’agriculture dans le pays: les champs de sorgho, les plantations de thé, les parcelles cultivées ainsi que les bananeraies s’étendent à perte de vue. Sans oublier, ça et là, les troupeaux de vaches qui paissent, le cheptel d’avant le génocide ayant quasiment été reconstitué !
Ni le coût de l’excursion ; ni le réveil à l’aube, dans le froid, pour se rendre au lieu de départ de l’expédition ; ni la grande probabilité, selon notre guide, d’entendre les chimpanzés sans parvenir à les voir, ni enfin la difficulté à se déplacer dans la forêt n’ont réussi à entamer mon enthousiasme.
Pour les autres, comme moi, cette ballade dans une forêt, préservée et très propre, permet, à défaut de rencontrer des chimpanzés, d’admirer des paysages magnifiques, de voir d’autres espèces de singes à l’instar des colobes et surtout d’y vivre l’inoubliable expérience de la Canopy Walk !
En effet, à la fin des années 70, elle y a installé un centre de recherche afin de contribuer à la protection de nos cousins les Gorilles des montagnes. C’est aussi dans ces montagnes qu’elle a été enterrée après avoir été assassinée, en 1985, dans des circonstances non encore élucidées. Il est d’ailleurs possible, au titre des excursions proposées, de se rendre sur sa tombe.
Cette protection des gorilles revêt différentes formes car elle passe notamment par la sensibilisation de la population à la préservation des primates, l’interdiction du braconnage, la formation des pisteurs, la collecte de fonds nécessaires à la protection de l’espèce, la mise en œuvre de projets pour les populations avoisinantes du parc, ou encore l’organisation annuelle de nomination des nouveaux bébés gorilles.
Ainsi, chaque année, depuis 2005, ces nouveaux nés sont, au cours d’une cérémonie appelée Kwita Izina, baptisés, identifiés par leur empreinte nasale, unique, équivalente à nos empreintes digitales humaines et adoptés par des parrains qui pourront suivre leur évolution.
Puis il nous a indiqués quelques précautions d’usage à observer lorsque nous serions en présence des gorilles à savoir ne pas tourner le dos au dos argenté, mal dominant du groupe, ni s’approcher trop près d’une guenon avec ses petits, d’une façon générale respecter une distance de sécurité d’au moins 5 mètres avec eux, ne pas manger ou boire en leur présence, ni tenter de les nourrir ; toujours parler à voix basse et surtout LA RÈGLE n°1 : ne jamais soutenir le regard du dos argenté ni pointer un doigt dans sa direction. Cela pouvant être perçu par lui comme un signe d’agression ! La meilleure parade étant d’adopter une attitude de soumission en s’accroupissant et en lui cédant le passage.
Les touristes en quête de safari se rendent au parc de l’Akagéra où l’on peut effectivement voir notamment des éléphants, dont le célèbre mâle solitaire Mutware qui a terrorisé par le passé plusieurs touristes, des babouins, des girafes, des hippopotames, des gazelles, et plusieurs espèces d’oiseaux.
A défaut, il faut plutôt privilégier les parcs tanzaniens.
MISE A JOUR AU 30.06.15 !
Mais ça c'était avant !
Car depuis aujourd’hui (30.06.15), 7 lions, venus d'Afrique du Sud, vont être réintroduits dans le Parc, qui a, depuis bientôt deux ans, été entouré d'une clôture électrique (afin de protéger les habitants demeurant à proximité des bêtes sauvages).
Une raison de plus pour visiter l'Akagera et contribuer à l'essor touristique du Pays des 1000 Collines :)
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Enfin, ce petit tour en bateau nous a également permis de voir, sous un autre angle, le magnifique ponton en bois, avançant sur le lac, du joli hôtel Ruzizi Tented Lodge, dont je vous parlerais plus loin.
Pour une somme modique, l’équivalent de 5 euros, il est possible de déjeuner à volonté et de découvrir quelques spécialités locales telles que les samoussas, emprunts à la gastronomie asiatique, l’igisafuriya, un plat à base de poulet et de bananes plantains, les brochettes de chèvre grillée, les délicieux sambazas , petits poissons frits du lac kivu, du manioc ainsi que des délicieuses frites de patate douce ou de pomme de terre, héritage colonial belge oblige, les mizuzu, bananes plantains mures frites connues sous le nom d’alloco en Afrique de l’ouest ainsi que de delicieux fruits tropicaux pour finir le repas sur une note sucrée.
Les chambres, intégrées dans des maisons individuelles, sont quant à elles un véritable cocon, décorées toujours avec beaucoup de gout, d’où l’on a du mal à s’extirper, tant y règnent luxe, calme et volupté.
Je vous plante le décor: 7 tentes, auxquelles on accède par des passerelles en bois, aménagées sur des plateformes en dur sur les rives du lac Ihema ; magnifique ponton en bois donnant sur le lac où prendre le petit déjeuner, juste avant le lever du soleil, l’apéro, au moment où le soleil se couche, ou le dîner autour d’un boma est un plaisir des yeux inouï, possibilité également de dîner, de façon conviviale avec les autres clients, pour la plupart anglophone, dans une salle ouverte aux 4 vents ; safari nocturne également proposé.
Plusieurs étoffes colorées sont vendues sur les étals des différents marchés du pays. Ainsi à coté du wax, tissu en coton coloré que l’on retrouve également dans toute l’Afrique de l’ouest ; se trouvent le khanga, tissu typique de l’Afrique de l’est et notamment de la Tanzanie, assez coloré et comportant le plus souvent des messages sous formes de proverbes, et enfin de magnifiques tie and dye, des pièces de coton teintées selon une méthode ancienne et qui offrent de superbes dégradés de couleurs.
Les originales peintures Imigongo:
Par ailleurs un cycle de conférence, désormais clos, m’a permis d’en apprendre encore plus lors de projections de films ou de conférence très riches en émotions avec des rescapés tels que Claver Kayitare ou Yvonne Mutimura Galinier.
Et
si le cœur vous en dit, vous pouvez également partager avec moi vos
impressions, émotions et pourquoi pas interrogations après lecture de
cet article.
Si si n'ayez pas peur :)
Pour laisser vos commentaires c'est donc, un peu plus bas, juste après le logo du Journal d'un Pigeon Voyageur et le libellé de l'article.
Alors à vos plumes !
NB: Il vous faudra prouver que vous n'êtes pas un "ordinateur" pour voir votre commentaire publié :-)